Bedaines de baleines

Dans la dernière semaine, l'équipe du MICS et ses collaborateurs ont observé à trois reprises des baleines retournées sur le dos, le ventre en l'air, mais chaque fois pour une raison bien différente. Aperçu d'une semaine riche en bedaines de baleines !

Manèges alimentaires des petits rorquals

Maintenant que l’équipe est formée et que deux de nos bateaux sont à l’eau, nous sortons en mer chaque fois que les conditions météo le permettent. Cependant, nous voyons presque exclusivement des petits rorquals ! Nous prenons donc le temps d’observer et de documenter leur comportement d’alimentation, qui inclut des mouvements spectaculaires pour se jeter sur leurs proies. Afin de surprendre les capelans, ils font de brusques fentes vers l’avant ou vers le haut, se tournent sur le côté ou se renversent complètement sur le dos. On peut alors apercevoir brièvement hors de l’eau les nageoires pectorales, un côté de la queue, l’intérieur de la bouche ou même la gorge et le ventre de l’animal gonflés d’eau et de poissons. C’est un spectacle des plus impressionnants, qui peut même se produire en eau peu profonde, à quelques centaines de mètres de la plage.

Lunge feeding

Un petit rorqual saute hors de l'eau sur le dos pour prendre une bouchée de capelan. ©MICS photo

Une carcasse à la dérive

Lors de notre première sortie en mer de la saison, le 4 juillet, nous avons trouvé une femelle petit rorqual morte dérivant sur le dos au sud de l’île Nue. La carcasse étant assez fraîche, seule la langue commençait à gonfler à cause des gaz de décomposition et les tissus étaient en très bon état. Nous avons donc pu documenter quelques blessures et égratignures superficielles, mais comme il est difficile d’examiner adéquatement une carcasse en mer depuis notre bateau pneumatique, nous avons pris quelques photos et vidéos avant de la laisser dériver. Malgré le caractère morbide de cette observation, les internes ont apprécié pouvoir voir de près un animal que nous apercevons habituellement de loin et pendant quelques secondes à la fois seulement !

Le 8 juillet, nous avons reçu un signalement nous avisant que la carcasse s’était échouée à Magpie. Deux membres de l’équipe se sont rendus sur place pour prendre des mesures et des échantillons. La cause exacte de la mort n’a pu être déterminée, mais aucun signe d’empêtrement ou de collision avec un bateau n’a été observé. Plusieurs curieux s’étaient rassemblés près du lieu de l’échouage, et l’équipe leur a expliqué qu’il ne faut pas s’approcher du cadavre d’un animal, et qu’il est illégal d’en prélever des parties. En effet, les bactéries et parasites que contient la carcasse peuvent causer des maladies, et elle doit être intacte pour que les scientifiques puissent l’examiner. Lorsqu’un mammifère marin en détresse ou mort est repéré, il faut contacter Urgences Mammifères Marins, comme l’ont justement fait les résidents de Magpie.

La carcasse de la jeune femelle a depuis été observée dérivant de nouveau près de l’île du Wreck, environ 3 milles marins au sud de Longue-Pointe-de-Mingan. Elle pourrait se décomposer en mer et couler, ou s’échouer de nouveau sur une plage, selon l’action des vents et du courant. Aussi, une baleine morte peut nager ! Les vagues peuvent agiter la queue assez pour faire avancer l'animal. Qui sait où la carcasse pourra se retrouver ?

Dead minke

La carcasse de petit rorqual à la dérive, le 4 juillet. L'animal est sur le dos et la langue est gonflée. ©MICS photo

 

Un rorqual à bosse qui nous a fait « flipper » !

Le 10 juillet, Pierrot Vaillancourt, capitaine de l’un des bateaux de Parcs Canada dans les îles Mingan, nous a signalé un rorqual à bosse ayant un comportement anormal au sud ouest de Grande Île. L’animal nageait sur le dos, semblait se débattre, ne plongeait pas et ne montrait pas la queue comme il est habituel de le faire pour cette espèce. L’observateur était inquiet et craignait que la baleine ne soit empêtrée dans des cordages, ou du moins en difficulté pour une raison quelconque.

Après avoir bien examiné les photos qu’a prises Vanessa Ward, qui fait partie de l’équipe du bateau, et discuté avec le capitaine Vaillancourt au téléphone, l’équipe du MICS en est arrivée à la conclusion qu’il s’agissait d’un comportement peu fréquent mais bien documenté chez les rorquals à bosse, le « flipper slapping ». C’est ainsi qu’on désigne le moment où l’animal se retourne sous la surface et frappe bruyamment l’eau avec ses nageoires pectorales (flipper en anglais). Le ventre est parfois apparent, mais l'animal n'est aucunement en difficulté! On ne peut dire avec certitude quelle est l’utilité de ces gestes, qui pourraient être une forme de communication ou constituer une réaction à l’approche d’un bateau, ou encore avoir une fonction qui nous est toujours inconnue. Cet individu n’ayant pas été revu dans la région depuis, il est probable qu’il ait continué son chemin normalement. Tout compte fait, le capitaine et son équipe ont eu le bon réflexe en contactant les chercheurs quand ils ont un doute sur l’état et la sécurité de la baleine qu’ils ont vue. Nous avons eu des sueurs froides à l’idée de trouver un deuxième animal en détresse en l’espace de quelques jours, mais ce n’était heureusement qu’une fausse alerte.

 

flipper slapping 2

 Deux rorquals à bosse agitent leurs nageoires à la surface, en Gaspésie. Non, ils n'appellent pas à l'aide! ©René Roy

L’arrivée en masse des plus grandes espèces de rorqual se fait toujours attendre dans l’archipel de Mingan. Nos collaborateurs sur la Côte-Nord Jean-Marie Jones et Ross Fequet, des pêcheurs commerciaux, nous disent avoir observé moins de baleines que d'habitude. En Gaspésie, René Roy n’a vu que brièvement deux ou trois baleines bleues en mouvement et assez peu de rorquals communs, bien que la saison soit assez avancée. Quelques baleines à bosse ont été observées en Gaspésie, près de Sept-Îles et de Baie-Comeau, et plus haut dans l’estuaire, dont possiblement deux couples mère-petit. Le nombre restreint de cétacés observés dans le Saint-Laurent jusqu'ici cet été pourrait être en partie expliqué par les changements climatiques et par le manque de glace l'hiver dernier.

L’équipe travaille présentement à identifier les baleines sur les photos qui nous sont envoyées. Outre d’autres individus bien connus comme les femelles Cédille (H144), Fleuret (H009) et Tic Tac Toe (H509), nous avons été ravis de constater que le mâle Siam (H007) est toujours parmi nous. C’était une des premières baleines photographiées par des chercheurs de Pêches et Océans Canada, à la fin des années 1970! Une telle information est précieuse pour évaluer la longévité et les habitudes migratoires des individus, et montre encore une fois l’importance de mener des études à très long terme sur les cétacés du Saint-Laurent.