Une armada de baleines se dirige vers le Saint-Laurent

Écrit par: Richard Sears, Fondateur du MICS.

 

Le 10 juin 2019, des observations aériennes ont révélé un groupe important de baleines à fanons au Sud de l'île Bonaventure, au large de la côte Gaspésienne. Quelques jours plus tard, le 18 et 19 juin, notre collaborateur René Roy, travaillant dans la baie de Gaspé, a identifié des baleines dans la baie de Gaspé et à 6-8 milles à l’extérieur du côté nord-est du Cap Gaspé. René nous a raconté qu'il était entouré de souffles et qu'il comptait près de 100 baleines à fanons dans la région. Il a pu identifier plusieurs espèces, dont le rorqual à bosse, le rorqual commun et la baleine bleue, le tout mobile (se déplaçant tous sur un même front) et se nourrissant de krill. Comment leurs proies ont-elles été déterminées ? Tout simplement par la présence d’excréments rouge brique, évacués par les animaux, indiquant que le krill était la principale source d’alimentation à ce moment. Cette coloration rouge est due à la kératine trouvée chez les euphausiacés (krill). Les rorquals bleus sont des spécialistes du krill, tandis que les rorquals à bosse et les rorquals communs sont des généralistes et se nourrissent d'une combinaison de krill et de poissons comme le hareng, le capelan, le maquereau et/ou le lançon.

 

De nouvelles cicatrices sur le dos de B194 (Hippocampe)

De nouvelles cicatrices sur le dos de B194 (Hippocampe)  ©René Roy, MICS

 

Un tel mouvement d’une grande agglomération de différentes espèces de rorquals dans la région de baleines dans la région est impressionnant et nous avons eu la chance d'obtenir des photos pour l’identification de plusieurs rorquals à bosse et rorquals bleus. D'après les observations antérieures D’après une comparaison préliminaire avec notre catalogue de notre catalogue d'identification, au moins quatre des rorquals bleus observés n'avaient jamais été vus auparavant par notre équipe. Toutefois, plusieurs rorquals bleus ont pu être identifiés:

  • B189 (Bell), première observation en 1985, puis plus régulièrement à partir de 2008.
  • B194 (Hippocampe), une femelle connue depuis 1992, semblerait avoir de nouvelles cicatrices sur son dos cette année. La cause de ces marques est encore incertaine.
  • B201, un individu connu depuis 1993 et observé pour la dernière fois en 2017, avant cette observation plus récente.
  • B311, observé pour la première fois en 1994 et identifié quasiment chaque année depuis. Cet individu a été observé dans les eaux du Saint-Laurent de juin à novembre certaine année.
  • B202 (Fender-Bender), une femelle identifié depuis 1988 et précédemment observé en 2006 avec plusieurs cicatrices résultant de l’enchevêtrement dans les engins de pêche. Ces cicatrices semblent s’être effacées depuis ! 
  • B479, observé une fois précédemment en 2012.
  • B275 (Phoenix), une femelle connue depuis 1993, ayant été identifiée régulièrement dans l’Estuaire proche Des Escoumins durant les périodes estivales.
  • B292, un mâle connu depuis 1993 et observé précédemment en 2016.
  • B332 (Dragonleaf), un mâle connu depuis 2000 et nommé d’après une tache de sa pigmentation qui ressemble à une espèce d'hippocampe : L'hippocampe feuille ou dragon de mer feuillu (Phycodurus eques) – connus pour leurs « feuilles camouflage ».
  • B345, un individu observé pour la première fois en 2002, et la dernière fois en 2015.
  • B473, connu depuis 2011, ayant été identifié également en 2013.
  • B499, observé une seule fois en 2015 puis une seconde fois cette année.
  • B397 (Doru), un mâle connu depuis 2006, a été aperçu avec de nouvelles cicatrices sur la moitié antérieure de son corps. Bien que nous ne puissions pas être certain de la cause, selon le type de marques observées, les cicatrices peuvent être dues à un piégeage dans la glace. Au printemps, les baleines qui se nourrissent le long de la côte Sud de Terre-Neuve peuvent être piégées par la glace qui quitte le Saint-Laurent lors de la fonte des glaces. Les vents dispersent la glace, donnant aux baleines la possibilité de se déplacer dans ces zones. Cependant, des vents changeants peuvent rapprocher les plaques de glace et piéger les cétacés. Cette prise au piège peut être fatale, comme ce fut le cas en 2014 lorsque 9 rorquals bleus se sont retrouvés piégés dans la glace au large de la côte Sud-Ouest de Terre-Neuve. Si les cicatrices avaient été causées par un contact avec un navire, elles n’auraient pas été réparties aussi uniformément sur la partie antérieure du corps de l’animal et auraient très probablement entraîné un traumatisme plus profond. De plus, des cicatrices causé par un empêtrement dans du matériel de pêche et le poids des cordages auraient causés des entailles profondes visibles sur le dos, pédoncule et/ou queue de l’animal. Puisque qu’aucun signe de collision avec un navire ou d’empêtrement n’est apparent, le piégeage sous la glace semble être l’explication la plus logique pour ces nouvelles cicatrices.



DoruB397 (Doru) avec de nouvelles cicatrices, probablement causées par la glace  ©René Roy, MICS

 

Le travail de terrain exercé durant l’été nous révèlera davantage sur les mouvements des individus mentionnés ci-dessus et sur ceux qui entreront dans les eaux du Saint-Laurent. Nous espérons poser des balises satellites sur plusieurs de ces animaux afin d’en apprendre davantage sur les déplacements des animaux à l’extérieur du Saint-Laurent. 

Il est important de noter qu’à la même période l’an passé, 7 baleineaux accompagnés de leurs mères avaient déjà été observés. Cette année, malgré un bon nombre d’observations de rorquals bleus, aucun jeune n’a été observé jusqu'ici.

Comment expliquer la forte présence des baleineaux l’an passé et leur absence apparente cette année ? Que cela signifie-t-il pour cette population ? Des questions pour lesquelles nous n’avons, à ce jour, pas encore de réponses.