Bilan de saison 2018
L'équipe et les participants aux séjours de recherche à bord de Rafale ©MICS
Bien que l’équipe ait encore du pain sur la planche pour l’hiver en termes d’analyse de données, voici ce qu’on peut dire de la saison 2018.
La 40e saison de recherche du MICS a été marquée par des conditions météo difficiles, principalement dues aux masses d’air chaud qui, lorsqu’elles rentrent en contact avec les eaux froides du Saint-Laurent, créent beaucoup de brouillard. Le résultat: de nombreuses journées brumeuses où nous étions forcés de rester à terre! La température des eaux de surface est également restée exceptionnellement élevée (au-delà de 20℃) pendant de nombreuses semaines, avant de baisser soudainement vers la fin août. Ces conditions défavorables ont donc réduit le nombre de jours en mer à 37, ce qui est en-dessous de la moyenne des 50 jours de travail en mer annuels.
Comparaison de l'effort de recherche en mer entre 2017 et 2018. ©MICS
Puisque les rorquals sont capables de couvrir de longues distances en peu de temps, nos périodes de confinement terrestre prolongées nous ont forcé à répéter les suivis visuels de grandes parties de notre aire d’étude afin de suivre les animaux pour continuer nos recherches. Ces longues navigations ont donc compensé pour le manque de jours passés sur l’eau, car nous avons quand-même couvert 10 701 km, ce qui n’est pas loin des 13 000 km de moyenne annuelle!
Baby boom
Cette année a également été marquée par un nombre plus élevé de baleineaux que ces dernières années, particulièrement chez les rorquals bleus. En effet, après quasi une décennie sans voir de baleineaux, nous étions de plus en plus (agréablement) surpris au fur et à mesure des signalements de la part de nos collaborateurs! Sept baleineaux ont été observés au total dans les eaux du Saint-Laurent cette année, principalement dans la région entre l’estuaire maritime et le golfe. Ceci ramène le total à 31 baleineaux bleus observés depuis que le MICS débuta ses activités en 1979.
B329 et son baleineau, le premier de la saison, le 19 mai 2018 ©René Roy
De même que pour les baleineaux bleus cet été, les baleineaux de rorquals communs ont été observés presque jusqu’à la fin de la saison en septembre (au moins 5), ce qui est inhabituel. Il semblerait que, pour une raison qui nous est encore inconnue, ces deux espèces ont sevré leurs petits très tardivement cette année.
En ce qui concerne les rorquals à bosse, nous avons eu 6 baleineaux confirmés ce qui est également une bonne nouvelle. Toutefois, nous n’avons pas vu Ébène cette année, une de nos principales femelles reproductives qui est d’ordinaire observée chaque année. Ceci est plutôt inquiétant car elle était restée assez maigre après la naissance de son dernier baleineau il y a deux ans, et montrait une infestation significative de cymaises (poux de baleines) lors de sa dernière observation en 2017. Parmi les absents connus, il y avait Splinter, le baleineau de Tracks de 2005 et une régulière de la region de Gaspé; ainsi qu’Aramis (le baleineau de TicTacToe de 2007), et c’est la premiere fois qu’elle n’a été observée depuis sa naissance, ni par le MICS, ni par nos collaborateurs.
Projet de drones
L’étude sur l’empêtrement du MICS a commencé à donner des résultats préliminaires prometteurs. Dans sa premiere année, nous avons récolté près de 400 Gigaoctets d’images de drone avec nos collaborateurs chez TerreSky, que l’on doit regarder, couper, traiter, catégoriser et apparier! Il reste encore beaucoup de travail à faire, mais ce que nous pouvons déjà avancer, c’est que cette étude pilote semble confirmer nos soupçons, c’est-à-dire que les rorquals communs sont plus susceptibles aux empêtrements dans le matériel de pêche que ce que nous pensions. Cette découverte n’aurait pas été possible sans l’utilisation de drones comme outil de recherche. Nous travaillerons, au cours de l’hiver, pour nous veiller à ce que cette étude soit prolongée pendant deux ans encore, afin d’accumuler un échantillon significatif de cas.
Rorqual commun vu depuis un drone ©TerreSky/MICS
Baleines noires/baleines franches
Bien que la majorité des observations de baleines noires aient été faites dans la moitié sud du Golfe du Saint-Laurent, le MICS a également observé et signalé des baleines noires dans sa zone d’étude. On n’a observé que peu d’individus (5 au total), mais on les a vus de façon consistante au cours de deux mois, entre le 19 juillet et le 19 septembre. Trois de ces animaux se trouvaient systématiquement dans les voies maritimes. Heureusement, c’était dans la zone de restriction de vitesse obligatoire imposée par le gouvernement, une mesure qui vise à protéger les baleines noires en 2018.
Baleine noire (aussi appelée Baleine franche) observée le 3 août dans le Saint-Laurent. ©MICS
Évènements inhabituels
Un des effets secondaires du projet de drones a été de gagner une nouvelle perspective, et de découvrir certains comportements que l’on n’avait jamais observé auparavant, comme cela a été le cas du groupe de rorquals communs! De plus, le drone nous a permis de capturer un évènement extrêmement rare dans le Saint-Laurent: la chasse avec filets de bulles par des rorquals à bosse! Ce comportement a été fréquemment observé dans d’autres régions du monde, comme en Alaska ou dans le Golfe du Maine. Nous avons donc montré ces images à nos collaborateurs du Center for Coastal Studies (CCS, Provincetown, Maine), qui ont confirmé que les deux individus étaient des animaux connus et réguliers du Golfe du Maine, dont un nommé « Mira ». Certes, nous pouvions voir les bulles en surface depuis notre bateau, mais le drone a vraiment capturé la beauté et la symétrie de ces spirales caractéristiques vues de haut!