Le 8 septembre dernier, quatre d'entre nous (RS, David Gaspar, Rachel Sullivan-Lord et Alex Borowicz) se sont joints à l'équipage du Sedna IV afin de faire une étude de terrain du Saint-Laurent méridional, en partant de la pointe de Gaspé jusqu'au détroit de Cabot, et le long du chenal laurentien jusqu'aux îles françaises de Saint-Pierre-et-Miquelon, au large de la Péninsule de Burin, à Terre Neuve. Nous étions principalement à la recherche de baleines bleues, qui n'avaient alors pas encore fait leur apparition dans notre aire d'étude au large du Cap Gaspé.
Glacialis Productions
Laissant derrière nous une quinzaine de rorquals communs et deux rorquals à bosse à l'embouchure de la baie de Gaspé, nous avons mis le cap vers "Orphan Bank" et avons commencé nos transects le long de la limite ouest du Chenal Laurentien. Au large, nous vîmes quelques dauphins à flancs blancs de l'Atlantique. Cependant, malgré les bonnes conditions d'observation, nos lignes de transects n'engendrèrent pas grand-chose. Pendant la nuit, nous avons dérivé près de notre dernière position d'exploration, en attendant le lever du jour à 5h30 afin de poursuivre nos observations. Le 10 septembre au matin, nous passions du côté est de l'île Saint Paul, à l'extrême nord du détroit de Cabot, et avons aperçu un rorqual commun et plusieurs petits groupes de dauphins à flancs blancs. Malheureusement, les conditions météo se détériorèrent rapidement, entraînant une mauvaise visibilité et des vents forts du SE, rendant nos efforts d'observation inutiles. Nous suspendîmes la recherche et nous dirigeâmes vers les Îles de la Madeleine pour nous abriter pendant la tempête, qui donna lieu ensuite à des vents forts du NO. Ce retour en arrière n'était pas idéal, mais cela nous a permis de visiter ces îles sablonneuses et basses, dont la plupart se trouvent dans les eaux méridionales du Saint-Laurent.
Le 12 septembre nous quittions les Îles de la Madeleine et mettions de nouveau le cap vers l'île Saint Paul et le Cap Breton. Nous avons revu des groupes de dauphins à flancs blancs de l'Atlantique à proximité de Saint Paul et avons poursuivi notre chemin au travers du Détroit de Cabot et vers le Banc Burgeo, au large du sud de Terre-Neuve. Malgré nos relais d'observations toutes les deux heures dans de bonnes conditions, nous ne vîmes pas grand-chose. Le matin suivant nous apporta un vent du sud, rendant l'observation plus difficile en l'absence de mammifères marins. La vie suivait son cours à bord du navire, comme d'habitude, ponçant de la vieille peinture rouillée et la remplaçant par de la fraîche, le Capitaine Dany et son premier officier se relayant aux commandes, Jérôme (la particule de boson, apparemment omniprésent), tenait les matelots à carreau, ajustant une voile, une corde, s'assurant que les 51 mètres du Sedna IV tenaient la mer, toutes conditions de météo confondues. Sous le pont, l'équipe de tournage attendait patiemment l'appel signalant qu'une baleine avait été aperçue, ou quoi que ce soit qui aurait pu leur permettre de filmer les chercheurs en action et le comportement des baleines. Mais aucun appel de ce genre n'arriva, les contraignant à s'occuper tout simplement de leur matériel de tournage. Le chef cuisinier gardait son équilibre malgré le roulis du navire, cuisinant de grandes quantités de bon pain et préparant des plats délicieux pour tous. L'ingénieur faisait son rapport au Capitaine, et ainsi les jours poursuivirent leur cours au gré des vagues et de la houle.

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L'équipe du MICS s'assura que les notes et les données soient bien insérées dans les journaux de bord et à l'ordinateur, et que les photos prises soient cataloguées et sauvegardées sur des DVD. Nous planifions et re-planifions des lignes de transect et des stratégies d'observation avec le capitaine, sous l'influence d'une météo variable.
Dans la soirée du 12 septembre, nous jetions l'ancre dans la baie agréablement abritée de l'Île de Miquelon en eaux françaises, en attendant que le vent se calme. Le 13 au matin, nous nous levions avec le soleil et la promesse d'un vent fléchissant. Nous avons donc mis le cap sur Saint Pierre, et avons trouvé cinq à neuf rorquals communs à moins de cinq miles de la côte, mais toujours pas de baleines bleues. Nous avions reçu de nombreux rapports nous informant de la présence de nombreuses baleines plus au sud, au large, de la part d'un observateur de mammifères marins, Joel Detcheverry, qui nous avait notamment fait part d'observations de rorquals bleus et à bosse par le passé. En début d'après-midi, nous avions déjà trouvé plusieurs groupes de rorquals à bosse, en les estimant entre la quarantaine et la cinquantaine dans la zone au sud de Saint Pierre, toujours en eaux françaises. Nous avons donc passé la journée à prendre des photos pour la photo-identification, nous révélant qu'il s'agissait en fait d'un groupe de plus de cinquante rorquals à bosse, bien qu'aucun ne soit connu du Saint-Laurent. Nous passâmes également la journée du 15 dans le même secteur avec ces individus, profitant du temps calme.
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Le 16 septembre, nous sommes restés aux alentours du même secteur jusqu'à midi, avant de remettre le cap sur le Banc Burgeo, afin d'inspecter le sud de Terre Neuve en bonnes conditions. Nous vîmes quelques dauphins, un petit rorqual ici et là, et trois rorquals communs au large de Port aux Basques, à l'extrême sud-ouest de Terre Neuve, alors que nous rebroussions chemin vers le Saint-Laurent. Le 17, nous avons surveillé le chenal laurentien en direction du Cap Gaspé, et avons observé un petit rorqual, un rorqual commun et plusieurs groupes de dauphins à flancs blancs de l'Atlantique, se dirigeant tous vers le sud. La météo passa abruptement d'un temps chaud à froid alors que nous approchions de Gaspé, où nous arrivâmes à quai le soir du 18 septembre, sous un magnifique couché de soleil. Nous avons donc débarqué du Sedna le lendemain matin, et sommes retournés dans le chalet qui nous sert de base, à Cap aux Os, près du Parc de Forillon. Les jours suivants s'écoulèrent en attendant patiemment que les vents forts se calment, et le Sedna resta ancré dans la baie de Gaspé. Le 22 au matin, alors que le brouillard matinal se levait, nous avons pris le large à bord de notre zodiac afin de partir à la recherche de baleines, et avons rencontré le Sedna, avec lequel nous avons collaboré pour étudier un groupe de trois rorquals à bosse. Nous prîmes des échantillons de biopsie des trois individus, dont deux anciens bien connus : Fleuret et Splish, le long des falaises aux abords de la baie de Gaspé. Ces baleines devraient faire leur apparition dans une séquence de la série « 1000 jours pour la planète », produite par les Productions Glacialis au cours des mois à venir.
Voilà qui concluait nos relevés de terrain à Gaspé et dans le sud du Saint-Laurent pour la saison 2014, et je rentrais chez moi stupéfait de ne pas avoir rencontré une seule baleine bleue lors de nos expéditions, ni déployé de balises satellites. Mais ainsi va la vie. RS