Il flotte un parfum de guano dans l’air, alors que les phoques ont l’air d’avoir faim et que quelques souffles observés (Août-Sept 2012)
30 août : la journée semble prometteuse au regard des prévisions météorologiques et de l’état de la mer ce matin, et nous étions disposés à croire que ces conditions idéales ne changeraient pas, comme c’était annoncé.
Cependant, nous avons rapidement dû réaliser que Monsieur météo a eu tort... de nouveau. Nous quittons la maison tôt le matin et allons au port de Cap-des-Rosiers, sur le côté nord de la péninsule gaspésienne, où notre bateau Squall est amarré. La maison où nous restons, situé à seulement 10 km du port, offre quant à elle, une superbe vue sur la baie de Gaspé. De là, nous avons donc un accès rapide aux deux côtés de la péninsule, dépendamment de la météo et de la distribution des baleines. Les paysages et la bathymétrie de cette région sont incroyables, la rendant attirante tant sur terre, pour le tourisme, qu'en mer, pour la nourriture des baleines.
Une fois parti du port, nous mettons cap vers le nord. Pendant notre trajet, nous rencontrons quelques petits rorquals et des phoques gris, deux espèces souvent observées aux jumelles depuis notre site d’observation terrestre au Cap Bon Ami (dans le parc Forillon). Une fois rendus au-dessus de la ligne de profondeur des 100 mètres, nous mettons le cap à l’est vers le Banc des Américains. Nous nous arrêtons pour diner et écouter les éventuels souffles, nous observons finalement un petit requin (environ 1 mètre et demi) en déplacement juste sous la surface.
Le Banc des Américains est un lieu très intéressant du point de vue océanographique. La remontée soudaine des fonds à cet endroit, combinée aux forces induites par les vents et les courants de marée, provoquent un phénomène de résurgence (remontée des eaux profondes). Le mélange des masses d’eau aux pourtours et sur le Banc crée donc un environnement dynamique et très productif. Cette soupe’ riche en plancton ainsi formée attire les poissons, les phoques, les baleines et les oiseaux en grand nombre. Historiquement, le Banc des Américains était une zone de pêche très prisée, particulièrement pour la morue.
Après avoir bien observé la zone du Banc des Américains, nous continuons vers l’ile Bonaventure. Cette ile est un grand refuge pour les oiseaux migrateurs et un habitat pour la plus grande colonie de fous de Bassan de l’hémisphère nord. Approximativement 120 000 fous de Bassan nichent ici, en plus des milliers d’autres oiseaux marins tels que les petits pingouins, les mouettes tridactyles, les guillemots marmettes, les cormorans à aigrettes et les macareux moines.
Colonie de fous de Bassan (Photo MICS)
Fous de Bassan (Photo MICS)
L’ile Bonaventure et la colonie d’oiseaux sont accessibles par la terre, mais notre vue depuis le bateau est particulièrement impressionnante. Des milliers d’entre eux nous survolent, faisant des aller-retour entre leur site d’alimentation en mer et l’ile, laissant parfois au passage, un petit souvenir un peu odorant dans notre embarcation Un groupe de phoques gris était aussi dans le coin, nous suivant le long des falaises et nous reluquant tandis qu’on dégustait une barre de céréales.
Phoque gris (MICS Photo)
Après avoir admiré les oiseaux à Bonaventure, nous remarquons qu’un bateau d’observation de baleines se dirige vers le large. Nous nous rendons au nord de l’ile Bonaventure et moteur arrêté, nous tentons d'entendre et voir des souffles Le vent faiblissant enfin, nous remarquons un grand souffle à quelques miles plus au large et nous nous dirigeons vers lui. On découvre alors une baleine bleue, très calme, qui nage lentement, sans jamais laisser son corps trop sortir de l’eau lors de la plongée. En prenant des photos de son côté gauche, Richard la reconnait immédiatement, il s'agit de B161, un mâle habitué de cette zone. Il a été vu pour la première fois en 1981, près de Mingan et a été observé au cours de 19 années différentes depuis cette date, au large de Mingan, dans l’estuaire et en Gaspésie. La dernière fois que nous avons vu cette baleine, c’était en 2008, au sud-est de l’ile Bonaventure.
Cette fois-ci, nous avons pu le suivre plusieurs fois lorsqu’il venait respirer en surface. Il semblait s’alimenter le long de la ligne des 50 mètres de profondeur (surligné en bleu foncé sur la carte ci-dessous). Cependant, le vent du nord-ouest et la houle se sont rapidement levés, nous empêchant de prendre davantage de photo ou de placer une balise satellite. La baleine disparait ainsi derrière les vagues écumantes. Tandis que le vent du nord-ouest malmène Squall, notre embarcation, j’entends Richard murmurer quelque chose à propos d’un certain « norte ». C'est la fin pour aujourd'hui, il est temps de rentrer au quai!
Nous mettons cap au nord et trouvons une autre baleine bleue proche de l’ile Plate, mais les conditions de mer ne nous permettent pas de la suivre vers le large. Après une tentative pour rejoindre le port de Cap-des-Rosiers contre le vent, nous décidons de faire route vers l’intérieur de la baie de Gaspé pour se réfugier au port de Grande-Grave. Protégés du vent par la rive nord de la baie, nous entrons au port dans de bonnes conditions. Sur le chemin du retour, Richard aperçoit un petit ours noir sur une plage située sous un sentier qui la surplombe. Nous nous arrêtons pour le regarder depuis la mer, tandis qu’il remontait la colline dans les arbustes qui devaient certainement être remplis de baies!
Nous croisons les doigts pour que les prévisions météo annonçant des vents calmes d'ici quelques jours soient exactes! Avec un peu de chance, nous pourrons voir plus de baleines!
Grande-Grave (Photo MICS)