Les Açores

Les bleues de Pico aux Açores ou Les grillades de krill à Lajes:
par Richard Sears

En avril, j'ai rejoins Misa Prica et des amis pour une agréable soirée dans un fin restaurant de fruits de mer à Lisbone et nous sommes allés faire un tour dans un bar animé, Barjo Alta. Le lendemain matin, nous avons quitté Lisbone à bord d'un petit avion de la Tap airline - petit pour quiconque plus grand que 5 pieds 8 – le voyage jusqu'au nouvel aéroport de l'île Pico aux Açores a duré 2h50. Je n'étais pas revenu depuis ma dernière visite il y a de cela huit ans, j'étais heureux de retrouver Pico et j'espérais aussi rencontrer des rorquals bleus de passage dans ces eaux sur leur trajet printanier vers le nord. J'ai appris par le passé qu'il ne fallait pas s'attendre à voir plus de 1 à 5 animaux au large de Pico et Faial durant le pic d'observation des bleus à cette période de l'année (fin avril - début mai).

Le ciel couvert cachait la vue du cône volcanique haut de 7 000 pieds ayant donné son nom à l'île. Il y avait une légère bruine lorsque nous sommes sortis de l'aéroport et nous avons découvert que Serge avait fait venir une camionnette pour nous conduire à Lajes. Alors que nous roulions au travers d'une campagne verdoyante, nous avons constaté que la mer était calme et que nous pourrions certainement sortir en mer puisqu'il était encore tôt. Nous sommes sortis de la camionnette face à l’Espaço Thalassa center (relooké) pour rencontrer Serge et son équipe et nous avons appris que nous pouvions sortir dès que nous le voulions.

En l'espace d'une heure, nous quittions la nouvelle marina (maintenant protégée de l'Atlantique du nord ravageur par une digue) à bord d'un pneumatique à coque rigide de 9 m conduit par Joao avec l'assistance de Marianne. La houle étendue de 4 m était modérée pour cette période de l'année, mais c'était encore calme bien que gris et humide. Misa et les autres se sont glissés sur les sièges disposés en deux rangées au centre du pneumatique, les pieds solidement enfoncés au sol, les mains agrippées aux sièges alors que nous affrontions les vagues.

La surface de l'océan était couverte de galères portugaises. Ces méduses ont un chapeau gonflé telle une voile transparente et irisée de bleu, de vert, de pourpre. Belles mais si douloureuses si on touche, par inadvertance, l'une de leurs tentacules errantes sous l'eau.



Des puffins cendrés planaient autour de nous, frôlant la surface à l'unisson avec les vagues, à la recherche d'un repas. Nous avons fait cap 2-3 miles au large de Lajes, rejoignant un autre pneumatique conduit par Pedro Madruga qui avait localisé un rorqual bleu. Cette baleine est apparue proche de nous et a marqué sa présence d'un puissant souffle pour le plaisir des deux équipages. Elle apparaissait au pic de la vague, ou dans son creux ou encore, entre les deux, nous offrant diverses vues dans cette mer agitée. Après 30 minutes, nous avions un profil complet de cette bleue. Entre deux 'surfacing' nous étudions les alentours pleins de vie et notamment plein d'une myriade d'organismes ressemblant à des méduses de toutes formes et de couleurs translucides des plus subtiles. Les Açores nous révélaient la merveilleuse productivité que peuvent offrir de telles îles océaniques, des plus petits aux plus gros organismes.



La première fois que j'ai voyagé aux Açores il y a 18 ans, c'était en juin pour travailler avec les cachalots, non pas avec les bleues. En fait, les bleues n'avaient pas été reportées comme étant régulières aux Açores et leur présence dans ces eaux de l'Atlantique n'était que peu documentée. Ceci était principalement dû au manque d'attention portée sur les rorquals dans cette région, comme cela peut être souvent le cas.

En fait, bon nombre de baleines bleues côtoient ces eaux en allant vers le nord pour rejoindre le Groenland, l'Islande, le Spitzberg, Jan Mayen, le nord de la Norvège ou peut-être encore les eaux russes. Les Açores semblent être un endroit parfait pour s'arrêter au milieu de l'Atlantique. Les bleues et d'autres espèces doivent suivre la faille océanique durant leur voyage vers le nord et les Açores procurent un oasis comblant les réserves perdues pendant l'hiver et permettent alors une meilleur ascension vers les eaux nordiques encore plus riches. Pendant la saison de mise bas, les bleues se rendent jusqu'au large du Sénégal et probablement plus au sud jusqu'en Mauritanie. Certaines ont été reportées aux Iles Canaries et Madères, alors que d'autres passent plus proche de la côte vers l'Espagne et le Portugal. Quelques-unes voyagent jusqu'au sud de l'Irlande et vont probablement au Danemark ou à l'est de l'Islande.

La première moitié du mois de mai 2010 présente un bon quota de photo-identification avec 23 individus observés au sud de Pico et Faial. Nous avions de nouveaux individus chaque jour et tous semblaient attirés par les riches eaux intérieures de Lajes, les teintes rougeâtres "dégagées" par les baleines durant la journée manifestent une quantité suffisante de krill. Nous avons observé quelques paires et même quelques 'nages rapides' entre deux individus qui faisaient la course le long de la côte entre la limite ouest de Pico et Lajes. La première baleine vue le premier jour a été vue durant les 9 jours suivants. Ceci peut indiquer que certaines baleines restent un moment dans les îles alors que d'autres passent uniquement pour une simple collation.


Distribution et appariements de rorquals bleus entre des zones éloignées de l’Atlantique nord

Cette session doit représenter la meilleure en terme de rorquals bleus identifiés durant la migration printanière et le catalogue des bleues des Açores s'élève maintenant à 136 individus. Pour l'instant, les photos de cette année n'ont pas trouvé de correspondance dans le catalogue des Açores ou d'autres secteur d'étude. Ceci n'aide pas à clarifier la dispersion de cette espèce en Atlantique du Nord, mais c'est une bonne nouvelle pour les rorquals bleus, car il semble que la population soit plus grande que ce qui était perçu. De plus, le fait que nous ne connaissions qu'un seul cas de match entre le catalogue des Açores et celui de l'Islande, peut signifier que les animaux vont encore plus au nord où les observateurs sont moins nombreux. Il y a donc encore beaucoup de questions qui se posent et plus de découvertes à faire concernant le mouvement des rorquals bleus en Atlantique du nord. Où vont-elles ou d'où viennent-elles et combien sont-elles? Les nouvelles identifications de cette année sont des données essentielles et significatives pour le catalogue du nord-est Atlantique aussi bien à l'échelle locale que globale. Maintenant nous avons 119 individus identifiés à l'ouest et au nord de l'Islande, quelques identifications entre la Mauritanie et l'est du Groenland et le Spitzberg ce qui élève le catalogue nord-est Atlantique à 269 individus. Chaque bride de donnée nous rapproche d'une meilleure compréhension de l'écologie des bleues en Atlantique du nord.

Nombreux sont ceux qui ont contribué au catalogue des Açores maintenant existant. Serge Vialelle de l'Espaço Thalassa a accueilli nos visites scientifiques et a grandement encouragé la photo-identification depuis toutes ces années. Les deux plus grands collaborateurs de son équipe sont Pedro Madruga et Joao Queresma, tous deux de bons conducteurs en présence de baleines, souvent dans des conditions difficiles, mais aussi de bons photographes qui ont contribué à l'excellente qualité de certaines photos du catalogue. Nous avons aussi reçu une contribution significative de Lisa Steiner qui étudie les cachalots aux Açores depuis plus de 20 ans et qui a un grand intérêt pour toutes les autres espèces observées aux Açores.

D'autres collaborateurs sont Monica di Silva de l'university’s cetacean research group, Karin Hartman de l'Atlantis Foundation and wildlife photographers Manu Tardis, Gerard Soury et Alex Goebels ainsi que de nombreux touristes de passages qui nous ont gentiment envoyé leur photos de rorquals bleus. Tiago et Joana à Horta et Marianne à Lajes, ont tout autant contribué par leurs efforts.