De la mi-août à la mi-septembre
Nous profitons du calme que nous offre l’ouragan pour vous donner quelques nouvelles. Suite à la rentrée des classes, les visites, tant sur l’eau qu’au musée, se sont raréfiées. Seules les fins de semaine ont connu une affluence relative.
Ce qui ne nous a pas empêché de sortir à 3 bateaux, voire 4, afin de nous consacrer à de nouveaux projets de recherche. C’est ainsi que Petra Reimann et Christian Ramp se sont transformés en chasseurs de souffles et se sont exercés au Blow Sampling. Cette nouvelle technique, développée par C. Hogg, de l'Univ. of New Sout Wales, Sydney, Australie, sur des dauphins en captivité, consiste à attraper les souffles des baleines lors de leur surfacing, grâce à un morceau de nylon attaché à un manche télescopique. Celui-ci ne mesurant que 5 m de long, les approches doivent être extrêmement contrôlées.
« Hagar est définitivement le meilleur bateau pour ce boulot » explique Petra. « Sa facilité à être manoeuvré est très utile à une telle proximité des baleines » continue-t-elle.
Les premiers essais (effectués un vendredi 13 !) ont connu peu de succès car nous avons sous-estimé un premier problème : la dispersion du souffle par le vent. De plus, cette journée était un jour de socialisation pour les rorquals à bosse. Mais leur curiosité envers le bateau a permis une certaine coopération. Le deuxième jour a connu plus de difficultés car les mégaptères étaient occupés à se nourrir.
La curiosité des Rorqual à bosse pour nos bateaux est utile à
Petra et Christian, transformés pour l'occasion en chasseurs de souffle
La technique de chasse du filet à bulles ainsi que des ventres pleins ont été observés à plusieurs reprises. « Avec ces temps de surface courts, c’était un plus grand challenge d'être à la bonne place au bon moment » poursuit Petra.
L’analyse de ces échantillons consistera à mesurer des hormones sexuelles, comme la testostérone et la progestérone, et des hormones de stress, comme le dérivé du cortisol. Nous espérons ainsi obtenir des informations sur l’état reproductif des animaux (maturité sexuelle, état gestatif) ainsi que l’évolution de ces hormones avec l’âge, l’avancement de la saison ou encore la dominance chez les mâles. Et pourquoi pas, dans le futur, une analyse de l’ADN. Celui de l’animal ainsi que celui d’éventuels parasites pulmonaires. Cela nous renseignerait sur le sexe de l’animal mais aussi sur son état de santé. Pour l’instant, les prélèvements sont effectués « at large » sur la population de rorquals à bosse car nous connaissons bien ces animaux ; leur âge, sexe, la fréquence de leurs visites dans le golfe du Saint-Laurent ou encore leur descendance. Mais un problème demeure : comment savoir quelle quantité du souffle a été mesurée. L’équipe s’est déjà mise au travail pour répondre à cette question. Rappelons que cet échantillonnage est réalisé en collaboration avec Lyne Morissette, de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski.
Un autre projet de recherche mené à bien est celui du tagging, en collaboration avec Véronique Lesage, de l’Institut Maurice Lamontagne, Ministère Pêches et Océans. Une équipe composée de Richard Sears, Frédéric Paquet et David Gaspard est partie à la fin du mois d’août. Direction Matane, où 17 à 20 rorquals bleus étaient présents. L’idée : placer des balises GPS sur le dos de ces géants des mers afin de les suivre durant les prochaines semaines ou, avec un peu de chance, les prochains mois.

Les tags sont placés près de la nageoire dorsale afin que les signaux émis par la balise GPS puissent être captés à chaque surfacing par des satellites
Les tags, dont la durée maximum observée sur les baleines bleues est de 8 mois, signalent leur position lorsque l’animal fait surface. Ceci devrait nous permettre d’en savoir un peu plus sur leurs déplacements hivernaux.
Deux tags ont été posés le 7 septembre, par une journée calme ; le premier sur B391, un individu qui a été vu en 2004 et 2007 en Gaspésie, et le deuxième sur un nouvel individu. Les premiers résultats indiquent que l’animal est toujours à Matane.
Ce séjour en Gaspésie fut aussi l’occasion d’observer une rumba. À la suite d’un rumble breath, l’équipe a pu observer le 3 septembre dernier ce pas de danse à trois. « On a entendu comme un camion sur frein moteur et lorsqu’on s’est approché, on a vu trois rorquals bleus en pleine course » raconte David.
Le phénomène surnomé Rumba fait référence à une course à vive allure entre trois individus qui se mettent alors à nager à la façon de dauphins, en sortant le corps hors de l'eau. Ceci débute généralement lorsqu'une paire mâle/femelle est rejointe par un autre mâle. C'est alors que la femelle démarre la course, poursuivie par les deux mâles qui se battent pour obtenir la position la plus proche d'elle. Ces observations sont très rares. On en dénombre à peine 36 en 30 ans d’études.
La Rumba s'est terminée après 13 minutes à une vitesse moyenne de 14 noeuds. Les deux mâles ont fait surface en même temps, l'un deux à moitié embarqué sur le dos de l'autre. Celui-ci a ainsi écarté son rival et gagné la position la plus favorable par rapport à la femelle.
« Ce qui est intéressant dans cette rumba est que nous connaissons les 3 animaux impliqués » explique Richard.La femelle, Flojo, est connue depuis 1996 et a été revue au cours de 5 années. Les 2 mâles, Torishinto, le vainqueur, et B093, sont connus respectivement depuis 1985 et 1981, et ont été revus régulièrement.

Torishinto (B112) tente d'écarter son
rival B093 de Flojo lors d'une rumba
Les rorquals communs avaient eux aussi déserté la zone ces dernières semaines. Impossible de retracer les groupes observés début août. Et nous avons bien cru perdre également la trace des rorquals à bosse. Le 19 août, nous voyions une trentaine de rorquals à bosse à l'est d'Anticosti et le 22, seuls 2 individus y étaient présents. Grâce à Richard qui a prospecté plus à l’ouest avant son départ pour la Gaspésie, nous avons pu voir qu’ils avaient changé de lieu de prédilection.
Ce sont une quinzaine de rorquals à bosse qui ont été vus le 24 août par Sirocco du côté de Banc Parent. Ce jour-là, Richard nous a montré que sa passion est intacte en rentrant au quai à 21h30 passées. Nous avons donc transféré les bateaux à Rivière-au-Tonnerre, BBR pour les intimes, dès le 28 août. La logistique est un peu plus compliquée mais ça en valait la peine.
Depuis mi-août, ce sont 87 baleines à bosse différentes qui ont été identifiées, dont 44 que nous n’avions pas encore vus cette saison. Parmi elles, Cédille, Quartz, Calypso et Koudou nous ont fait l’honneur de nous présenter leurs baleineaux. Nous avons également retrouvé Fleuret, Splish et leur descendance Barbillon, Leprechaun et Spines, mais aussi d’autres animaux d’âge connu comme Splinter, Graffiti, Cassiopeia. Les vieux mâles Winker, Freckles, Toro, Jigsaw et Illusion sont aussi au rendez-vous. C’est avec grand plaisir que nous avons revu Compass, absent du bataillon depuis 1994. Nous avons également fait la connaissance de 6 nouveaux individus.
Certains nous ont fait des shows endiablés comme Piranha, Tingley ou H698 avec des flipper slapping, tail slapping ou des tail breaches. D’autres nous ont sorti le grand jeu avec des full breaches. C’est le cas de Lester-Boyle, Illusion et Gluck Auf. Mais la nageoire d’or revient aux plus jeunes ! Les calves de Koudou et Calypso s’en sont donnés à cur joie le 31 août. « J’ai vu plus de breaches aujourd’hui que je n’en ai vu depuis le début de la saison » commente Christian. D’autres rorquals à bosse se sont montrés curieux envers les bateaux. Adiego, Koussouf, Freckles et un nouveau nous ont observés en spyhoppant, tournant autour du bateau, laissant voir des filets de bulles, pour le plus grand bonheur des occupants du bateau.
Finalement, la prospection du côté de Banc Parent a aussi été l’occasion de retrouver les rorquals communs. Enfin quelques uns Dans les autres faits remarquables, la mer d’huile du 24 août dernier nous a permis d’observer de nombreux requins pellerin. Les dauphins à flancs blancs sont aussi arrivés sur le territoire mais plus tardivement qu'à leur habitude.