Première semaine d’août
Avis de recherche !!!
La Station de Recherche porte décidemment bien son nom : alors que la météo (un peu) plus clémente de la mi-juillet nous avait permis d’observer certains de nos rorquals « vedettes », les quelques jours de mauvais temps de la fin juillet nous ont fait « perdre la trace » de beaucoup d’animaux, hormis Anchor (H118), Ebene (H042) et Anakin (H642), « fille » d’Ebene. On présume que ces derniers passent par Blanc-Sablon avant de rejoindre la zone d’étude principale du MICS.
Ainsi, depuis début août, nous sommes « à la recherche » de Winston (H069), Leprechaun (H379), Whip (H129), Irisept (H492), Tic Tae Toe (H509) et La Souffleuse (H531), ainsi que quatre couples mères-baleineaux : Stratus (H288), X-Mas (H493), Moby (H263) et H458 et leurs baleineaux respectifs, qui n’ont pas été observés depuis le début du mois.
Il n’est pas rare que des déplacements « généraux » surviennent ainsi brusquement pendant la saison, probablement en liaison avec des variations d’abondance en nourriture. Si ces déplacements se produisent alors que la météo ne permet pas aux biologistes de la station d’aller en mer pendant plusieurs jours, les animaux ont le temps de parcourir de nombreux kilomètres, ce qui compliquent les recherches lorsque les bateaux « patrouillent » à nouveau le secteur.
Le 2 août, trois bateaux se sont dirigés vers l’est de notre zone d’étude, pour prospecter dans l’espoir de « retrouver » les animaux. A défaut d’avoir pu « remettre la main » sur les animaux vedettes, la journée a été riche en observations : outre de nombreux groupes de marsouins voyageant rapidement, et quelques petits rorquals, trois requins pélerins ont été observés s’alimentant en surface (comportement typique de cette espèce planctonivore) et deux d’entre eux sont passés à plusieurs reprises sous le bateau, permettant au passager de prendre conscience de la taille du deuxième plus gros « poisson » de la planète (le premier étant le requin baleine).

Nageoire dorsale de Requin pèlerin(Cetorhinus maximus)
Une dizaine de rorquals communs ont été observés, ainsi que quelques rorquals à bosse dont Illusion (H146), Gronier (H228), Fissure (H164) et H704, l’individu assez souvent démonstratif et curieux. Il a offert aux personnes à bord des trois bateaux de « la flotte MICS » un tête-à-tête spectaculaire, en effectuant de nombreux spy-hopping (l’animal sort la tête hors de l’eau, pour observer tel un espion) ainsi que des frappes de nageoires pectorales et caudale, entre autres comportements spectaculaires.

Spy-hopping de H704)
Enfin, en allant davantage vers l’est encore, l’équipe a pu observer pour la première fois de la saison, le ballet des dauphins à flancs blancs de l’Atlantique, en alimentation sous un cortège de fous de bassan.
Une journée avec l’équipe du MICS, c’est souvent une journée de spectacle
Une journée des plus excitante
Les sorties en mer au MICS sont généralement riches en émotions, mais celle du 21 juillet méritait tout particulièrement d’être racontée : elle fut riche en actions! Les deux bateaux, Twister et Mistral, se dirigeaient vers Anticosti dans cette journée ensoleillée avec une petite brise. Bien que la fin juillet approche, nous continuions à nous demander où se cachaient les baleines. Alors que nous voguions le long d’Anticosti, Richard Sears a vu des sortes de flashs blancs à l’horizon, suivis d’éclaboussures. Un coup d’il rapide dans les jumelles et nous nous précipitions tous excités vers ce que nous avions vu : un rorqual à bosse plein de vigueur frappant la surface de l’eau de sa nageoire pectorale ! Nous nous sommes un peu rapprochés pour avoir une meilleure vue. Lorsque nous étions proches du rorqual, nous avons coupé le moteur et nous l’avons observé. Cet animal était tellement curieux! Il s’est rapproché de nous et a tourné plusieurs fois autour du bateau, puis il a sorti sa tête hors de l’eau pour mieux nous voir! Nos yeux écarquillés d’humains croisaient ceux d’un énorme rorqual, l’adrénaline montait!
Après nous avoir bien observé, l’animal a tapé 20 fois de sa queue, s’est roulé sur le côté et a recommencé à frapper la surface de sa nageoire pectorale. Les passagers émerveillés à bord de Mistral cherchaient précipitamment leur appareils photos dans le but d’immortaliser ce moment en souvenir de ce comportement incroyable. Personne n’est certain de savoir pourquoi les rorquals à bosse offrent de tels spectacles. Pour communiquer? Jouer? Sont-ils simplement agités? Entre deux claquages de queue, nous avons pu prendre une photo et identifier cet individu comme étant H704, vu pour la première fois en 2007 et qui sera très prochainement nommé. Juste après, Richard Sears a biopsié l’individu afin d’obtenir un petit échantillon de peau et de gras. La peau sert aux analyses génétiques comme le sexage et les analyses d’isotopes stables permettent de déterminer l’alimentation de l’animal. Le gras est utilisé dans le cadre des études sur les polluants.

H704 en action
Après une heure en compagnie de H704, nous l’avons quitté pour rejoindre d’autres rorquals. Nous avons approché une paire de rorquals communs adultes nageant côte à côte et nous nous sommes préparés à prendre des photos pour la photo-identification. En l’espace d’une seconde, l’animal qui était un peu en arrière doubla le premier et une interaction se produisait sous l’eau! Le premier s’est tourné sur le côté, montrant une partie de sa queue et, sorti de nulle part, un rorqual commun de l’année sauta hors de l’eau 300m en avant de la paire! Ce jeune chargeait à pleine vitesse en avant, avec tellement d’entrain que son corps était propulsé à moitié hors de l’eau (ceci s’appelle le marsouinage car cela ressemble fortement au mode de déplacement des marsouins et des dauphins, il est plus rare de voir ceci avec une baleine!). Nous avons tenté de suivre ce jeune mais sa direction était totalement imprévisible d’autant plus qu’il nageait à 10 nuds (18km/h)! Le comportement de ce jeune rorqual commun aurait pu être apparenté au comportement d’un jeune poulain sautant en tout sens dans un près, découvrant son corps dans ce nouvel environnement. Quel spectacle!
Plus tard dans la journée, nous avons vu 10 rorquals à bosse incluant Moby (H263) et son veau, ainsi que Leprechaun (H379), Winston (H069) et

Whip (H129) qui frappait la surface de sa pectorale avec Fat Bee (H456).
nous avons également vu 15 rorquals communs et plus de souffles dans le périmètre que nous pouvions couvrir.
Et là, nous étions arrivés au paradis des marsouins communs, nous étions entourés par ces petits cétacés! Ceux-ci sont de rapides nageurs qui effleurent momentanément la surface pour remplir leurs petits poumons d’air. Prendre une belle photo de ces animaux est très difficile!
Pendant que nous approchions une paire de communs pendant l’après-midi, nous avons observé quelque chose qui n’avait jamais été vu avant: un petit rorqual sautant verticalement hors de l’eau entre deux rorquals communs! C’était époustouflant! Alors que le soleil commençait à décliner, les biologistes passionnés du MICS ont décidé de rentrer avant la nuit. Une journée exaltante de plus à rentrer dans le livre de bord
Échouage à Grande-Île Archipel des Îles Mingan
Au MICS, la majeure partie du temps, nos missions sur le terrain sont consacrées aux cétacés vivants. Cependant, les échouages font également partie de nos sujets de recherche pour deux raisons : il est important d’en déterminer la cause pour mieux cerner les menaces qui pèsent sur les mammifères marins du St-Laurent et, les carcasses nous permettent d’obtenir de nombreux échantillons pour les diverses études menées par la station de recherche et ses collaborateurs.
Le 14 juillet, un échouage de rorqual à bosse nous a été signalé sur Grande-Île. Mercredi 15, nous (Katy Gavrilchuk, Marion George, Bertrand Charry, Frédéric Paquet) avons préparé l’équipement pour les prélèvements à effectuer avec l’aide du reste de l’équipe.
Nous sommes partis à bord de Twister pour cette aventure. Il nous était impossible de débarquer avec le bateau sur la face sud de l’île où se trouvait l’animal. Nous nous sommes donc amarrés au ponton flottant installé à l’est de Grande-Île. Il a fallu commencer par décharger l’équipement de notre pneumatique pour le placer dans l’embarcation laissée au ponton par Parcs Canada, avant de pouvoir nous hisser vers le bord.
Une fois arrivés sur la terre ferme, presque 2 heures de marche nous attendaient jusqu’à la carcasse.
Heureusement, la marée était basse lorsque nous sommes arrivés et une bonne brise ventilait l’odeur (qui n’était pas si forte) de décomposition avancée du cadavre. L’identification de l’individu fût impossible à cause de l’état avancé de dégradation. Hormis Frédéric, nous n’avions jamais vu d’échouage jusqu’à ce jour. Pour moi, c’était même le premier jour où je voyais la peau d’un cétacé d’aussi près et il est vrai que cela ressemble un peu à la texture d’un pneu

Nous avions tous une tâche précise à faire : Frédéric aux photos, Bertrand à la prise des prélèvements divers (peau pour l’analyse génétique et la détermination du régime alimentaire, gras pour l’étude des concentrations de polluants), Katy et moi aux prises de mesures.
La cause de la mort n’a pas encore été trouvée : l’animal ne présentait pas de blessures apparentes, ni de marques d’empêtrement. L’individu mesurait environ 9.7m, ce qui est grand pour une jeune femelle rorqual à bosse (nous avons pu repérer les fentes mammaires) mais ses fanons semblaient très peu développés comme pour un baleineau de l’année. Les analyses des isotopes stables au niveau des échantillons de peau, pourront peut-être nous dire si cet individu était ou non déjà sevré. Nous avons fait d’autres prélèvements tels que : des balanes fixées sur la poche ventrale, le globe oculaire, du cartilage et un os de la nageoire pectorale droite. Finalement, la marée montante nous a obligé à quitter la carcasse et reprendre la route, bien chargés. Nous n’avons pas eu le temps d’accéder aux organes internes de la carcasse. Il n’est donc pas possible de préciser si l’état de décomposition était de 3 ou 4, l’état des organes internes (intacts ou liquéfiés) étant nécessaire pour cette détermination précise du degré de décomposition. La marée nous empêchait aussi de marcher au travers des étendues salées que nous avions franchies à l’aller avec nos bottes et le chemin du retour est devenu bien plus long et pénible avec le poids des prélèvements.
Nous avons mis près de trois heures pour rejoindre l’embarcation de Parcs Canada; les monolithes du Zoo avaient les pieds dans l’eau, nous étions arrivés. Une fois à bord de Twister, il nous restait à rentrer, face au vent. De retour à la marina de Mingan la journée n’était pas encore terminée, il nous fallait stocker les prélèvements au congélateur et nettoyer le matériel.
Quelle journée! Chaque jour passé à travailler sur ces magnifiques créatures vivantes ou échouées est une expérience à part entière.