Observations de rorquals communs dans le Golfe en 2004 et 2005

Au cours des deux dernières saisons, de larges concentrations de rorquals communs ont été observés dans la région de Mingan-Anticosti. La saison 2004 a été caractérisée par d’importantes concentrations d’individus (jusqu'à 60 rorquals communs observés en une journée) situées tout au long de la saison dans une zone restreinte au sud de Rivière-au-Tonnerre. En 2005, les animaux étaient plus dispersés dans le Détroit de Jacques-Cartier, ce qui est généralement la norme, mais cette saison a été marquée par un nombre exceptionnellement élevé de baleineaux. Jusqu'à maintenant, le nombre moyen de baleineaux observés chaque année était de deux ou trois, mais cette saison nous avons photo-identifié huit veaux et leur mères : six à Mingan, un au large de Matane dont la mère avait été photographiée à Mingan sans son veau, et un dans l’estuaire du St Laurent. Un baleineau de l’année a été retrouvé fin août échoué près de Mingan, mais il était couché sur le flanc droit ce qui nous empêcha de l’identifier. Nous espérons que la comparaison des analyses génétiques des échantillons de peaux prélevés sur cet animal avec ceux des cinq autres veaux biopsiés cette saison nous permettra de l’identifier.

Il est intéressant de noter qu’un nombre record de baleineaux a aussi été observés chez les rorquals à bosse du St Laurent. La nourriture semble avoir été abondante tout au long de la saison 2004 et on ne peut s’empêcher d’y voir une corrélation avec le nombre important de baleineaux observés chez plusieurs espèces cette année.

Jusqu'à maintenant, le MICS n’avait jamais revu de rorquals communs observés au cours de leur première année essentiellement à cause de la faible qualité de leur photo d’identification. Nos études, s’étendant sur plus de 25 ans, ainsi que celles de groupes de recherche du Golfe du Maine, ont démontré une vraie fidélité aux zones d’alimentation chez les rorquals communs adultes. Ces animaux reviennent chaque année sur les zones d’alimentation qu’ils fréquentèrent au cours de leur première année avec leur mère, comme cela a été démontré pour la population du golfe du Maine. Nous avons maintenant démontré qu’il en est de même pour le golfe du St Laurent. Sur les deux veaux observés en 2003, un a été revu en 2004. Nous espérons que le nombre élevé de baleineaux observés cette année nous permettra de confirmer cette tendance.

Les deux dernières saisons ont été caractérisées par un nombre élevé de photo-identifications. Le nombre d’ID pour 2004 et 2005 oscille entre 120 et 140, ce qui n’inclue que les photos de qualité car le nombre total d’animaux photographiés est supérieur. Le matching doit cependant être complété pour ces 2 années afin d’obtenir le décompte final et s’assurer d’éliminer les matchs internes. Jusqu'à maintenant pour 2005, 70 individus ont été associés à des rorquals communs connus et plus de vingt autres on été ajoutés à notre catalogue. Les 40 individus restant doivent encore être comparés au catalogue, contenant maintenant plus de 380 rorquals communs, mais semblent aussi être de nouveaux individus.

Un autre fait intéressant est la présence cette année de plusieurs animaux qui n’avaient pas été vu depuis 12 ou 13 ans. Avons-nous juste manqué ces individus au cours des saisons précédentes ou fréquentent-ils le golfe moins régulièrement que les autres ? Des mouvements de rorquals communs entre le Golfe du St-Laurent, la Nouvelle-Écosse et le Golfe du Maine ont été documentés pour un nombre restreint d’individus. Peut-être que les animaux photographiés irrégulièrement appartiennent en fait à d’autres sous-populations et entrent dans le St Laurent occasionnellement quand les conditions y sont plus propices qu’ailleurs. Ceci prouve néanmoins que nous avons encore beaucoup à apprendre sur les déplacements des rorquals communs au sein de leur habitat, à la fois géographiquement et temporellement, ainsi que sur les facteurs motivant ces mouvements.

Le nombre important de rorquals communs photo-identifiés au cours des 2 dernières saisons reflète non seulement la taille de la population locale mais aussi celle de notre zone d’étude et notre effort pour la couvrir efficacement. Nous travaillons principalement dans la zone Mingan/Anticosti, mais notre équipe itinérante se déplace aussi le long de la péninsule gaspésienne et dans l’estuaire du St Laurent pour travailler sur les rorquals bleus. Cela nous permet donc de collecter des données sur les rorquals communs sur l’ensemble du Golfe. En 2005, au moins deux rorquals communs ont été vus à Mingan et au large de Matane, et l’un des deux fut même revu plus tard dans l’estuaire. Ceci suggère que certains individus utilisent l’ensemble du St Laurent au cours de la saison d’alimentation. Cependant, la majorité des animaux photographies à Mingan y sont observés régulièrement pour une bonne partie de la saison. Les rorquals communs observés à Mingan sont aussi connus pour utiliser la zone de Sept-Iles, comme le confirme les observations de Jacques Gelineau et les nôtres.

En plus d’étudier la dynamique de population et la distribution des rorquals communs du St-Laurent, le MICS s’intéresse aussi à leur comportement social et acoustique. La saison prochaine, Julien Delarue, un membre d’équipe depuis 5 ans, commencera une étude comparative sur le répertoire acoustique des rorquals communs du Golfe du St-Laurent et du Golfe du Maine. Une description plus détaillée du projet sera disponible à partir de février 2006.